Observatoire de la « démocratie permanente » bordelais : un autre exemple d’outil pour détourner les citoyens vers une voie sans issue

Plusieurs communes ont lancé ces dernières années diverses instances consultatives, en communiquant significativement à ce sujet. Ces créations sont la réponse apportée par ces élus à la demande de plus en plus vigoureuse pour davantage de démocratie, face à la quantité de décisions prises par les élus qui sont en contradiction avec l’intérêt de la majorité de la population.
Voici l’expérience vécue par un membre d’Espoir RIC et de Solution Démocratique dans une de ces instances créée par la Mairie de Bordeaux.

Article de Laurent DUPOUX, adhérent de Solution Démocratique dans le 33. Voir la carte des adhérents.

Une multiplication des « participations » peu suivie d’effets

Entre mars 2024 et mars 2025, j’ai fait partie de la première session de « l’Observatoire de la démocratie permanente » nouvellement créé par la Mairie EELV de Bordeaux. Les membres étaient tirés au sort parmi des habitants ou travailleurs bordelais ayant candidaté au préalable.

Cet observatoire s’est ajouté à un nombre déjà conséquent de comités ou de procédures municipales censés promouvoir la démocratie locale : Conseil municipal des enfants, Grand dialogue citoyen, dispositif d’interpellation citoyenne, Parlement mobile…

Le point commun de toutes ces instances est celui-ci : ils permettent à des citoyens volontaires de s’y exprimer, mais en aucun cas de mettre en pratique une démocratie, un pouvoir du peuple, c’est-à-dire de décider. Le pouvoir décisionnaire reste, conformément au Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), dans les mains du Conseil Municipal et du Maire.

Le maître-mot consacré par l’administration et repris par les communicants est la « participation ». Mais participation à quoi ? Simplement à une instance créée de toutes pièces, inconnue du grand public, qui aboutit en fin d’année à un maigre rapport oublié sur une étagère, une belle photo et un apéritif. Contrairement à ce que les éléments de langage laissent penser, il n’est pas question de participation à la vie démocratique, c’est-à-dire aux décisions de l’exécutif municipal, aux instances de contrôle de cet exécutif, ni même à des débats significatifs ou réguliers avec les membres de cet exécutif.

Logo de l’initiative : se mêler de ce qui nous regarde certes, mais sans décider derrière, quel impact ?

Un manque historique de démocratie, des réponses falotes

Nous restons des mineurs politiques, notre parole étant suivie d’effet au bon vouloir des élus, c’est-à-dire très peu, à l’image des tirés au sort de la Convention Citoyenne pour le Climat de 2019, dont à peine 10 % des propositions ont été reprises par le gouvernement, contrairement à son engagement moral initial.

Pour cette première année, la Mairie nous avait demandé de traiter le sujet suivant : « Les personnes les plus éloignées de la participation à Bordeaux : qui sont-elles ? Quelles sont les conditions de leur association au dialogue citoyen ? ». Le thème reste dans la droite ligne de la logique précédente : « participer » et « dialoguer », mais en aucun cas décider, pratiquer la démocratie.

Passons outre l’adjectif « permanente » dans le titre de notre observatoire, qui ajoute à la forme ce qui manque au fond. Je me suis étonné auprès de la Mairie que celle-ci, pour réellement pratiquer la démocratie, ne faisait jamais appel ni au référendum local (à l’initiative de l’exécutif) prévu par l’article LO1112-1 du CGCT, ni à la consultation locale d’initiative citoyenne, prévue par l’article LO1112-15 du même code. Je me suis vu répondre que les Bordelais n’étaient « pas assez mûrs » pour ces outils démocratiques.

Les élus, qui étaient en poste depuis à peine 2 ans à l’époque, y compris donc l’« adjointe au maire chargée de la démocratie permanente et de la gouvernance par l’intelligence collective », croient ainsi avoir atteint une maturité politique et citoyenne en deux ans, qui rendraient leurs analyses et leurs décisions bien meilleures que celles de l’ensemble des citoyens réunis. Cela justifie à leurs yeux de ne pas recourir aux quelques outils démocratiques limités déjà prévus par la loi, comme ce référendum et cette consultation d’initiative citoyenne.

L’écart entre les prétentions affichées et les faits est proprement stupéfiant. Le refus du partage du pouvoir avec les citoyens, démontré tous les jours à tous les niveaux administratifs, montre que des réflexes d’Ancien Régime sont encore bien présents chez nos élus.

L’activité de l’observatoire durant l’année s’est décomposée en réunions plénières, ateliers de groupes, rencontres de chercheurs et analyses de textes universitaires sur le sujet. Je n’ai malheureusement pas pu participer à beaucoup de ces réunions, mais certains membres s’y sont engagés avec sérieux et dynamisme tout au long de l’année.

Ce travail a débouché sur une liste d’une vingtaine de recommandations présentées aux élus, disponible dans le rapport final sur cette page. Dans leur grande majorité, ces recommandations proposent d’adapter la forme des instances consultatives municipales pour les diversifier socialement (les membres de ces instances étant, classiquement, principalement des personnes aisées financièrement et socialement, diplômées d’études supérieures). Le référendum et la consultation ont cependant été mentionnés, mais sans mettre en valeur le pouvoir de décision citoyen (limité mais réel) qu’elles comportent.

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Une soif de démocratie détournée, une frustration renforcée

En pratique, la démocratie n’aura pas avancée d’un pas, et beaucoup de citoyens, ayant mis de l’énergie dans ces instances sans en voir une quelconque réalisation concrète, auront jeté l’éponge, et repartiront déçus, résignés, avec une image dégradée de nos institutions, voire en colère et avec la volonté d’en découdre face à l’accaparement du pouvoir par nos élus. Et une nouvelle fois, nos élus feront semblant de ne pas comprendre pourquoi des citoyens se tournent vers l’extrême-droite.

Comme tous les démocrates, j’attends avec impatience l’heure où les élus redescendront de leur tour d’ivoire et accepteront de partager leur pouvoir de décision avec l’ensemble des citoyens, pour enfin créer une vraie démocratie, en s’inspirant par exemple du fonctionnement suisse. Il y a énormément de réflexion qui est menée par plusieurs associations à ce sujet, qui montre que de nombreux outils juridiques existent pour s’approcher d’une démocratie exemplaire : Référendums d’Initiative Citoyenne à différents niveaux notamment Constituant, Référendums obligatoires pour modifier la Constitution, Assemblées législatives et exécutives tirées au sort parallèlement aux Assemblées et Conseils élus…

Espérons que cela ne tarde pas trop, car comme l’a écrit Lord Acton, « le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. »

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