Proposition de révision constitutionnelle pour redonner le contrôle aux citoyens

Beaucoup de partis évoquent l’idée de mettre en place le référendum d’initiative citoyenne (RIC) dans leur programme. Cependant, il s’agit simplement d’une idée, non formalisée dans le détail. Ce qui pose problème : sans texte de loi précis adossé à cette proposition, impossible d’être sûr que les Français reprendront vraiment le contrôle de leur système politique grâce à cet outil. C’est pourquoi nous formalisons ici mot pour mot comment nous comptons instaurer le référendum obligatoire et le droit d’initiative citoyenne constituant dans notre constitution, que l’on appelle « référendum d’initiative citoyenne constituant ».

Présentation des modifications globales nécessaires

L’article 89 actuel de notre Constitution dispose que les changements de la Constitution doivent être :

  • proposés soit par le président de la République, soit par les parlementaires ;
  • et approuvés soit par référendum (référendum constituant), soit par trois cinquièmes des parlementaires.

La présente proposition vise à ce que les changements constitutionnels soient :

  • proposés par le président de la République, par les parlementaires ou par 700 000 citoyens ;
  • et uniquement approuvés par référendum.

Le référendum obligatoire est introduit par la suppression de l’alinéa 3 de l’article 89 actuel.

L’initiative citoyenne est introduite dans l’alinéa 1, et ses modalités sont détaillées dans les alinéas 3 à 7. S’agissant d’une initiative citoyenne, elle est exemptée d’un examen et d’un vote par le Parlement, et la validité de la procédure sera garantie par l’ordre judiciaire (délai de récolte des signatures et validité de celles-ci) dans les conditions fixées par l’article 89.

Présentation dans le détail des modifications nécessaires de l’article 89

Voici précisément à quoi ressemblera l’article 89 pour garantir que les citoyens Français reprennent la main sur la constitution. Ce texte a été validé par des juristes et constitutionnalistes.

89.1 L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République sur proposition du Premier ministre, aux membres du Parlement et aux citoyens.

89.2 Le projet ou la proposition de révision, sauf lorsqu’elle est à l’initiative des citoyens, doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l’article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques.

89.3 Lorsque la proposition de révision est à l’initiative des citoyens, elle doit mentionner l’identité du ou des porteur(s) de l’initiative, le titre, le but de la proposition et l’amendement de la Constitution entièrement rédigé.

89.4 La proposition de révision à l’initiative des citoyens est déposée auprès d’un tribunal d’instance, qui dispose d’un délai de 20 jours à compter du dépôt pour statuer sur sa conformité à la forme décrite à l’alinéa précédent, à l’issue duquel la proposition est considérée comme valide. La proposition valide est publiée officiellement et est accompagnée d’un support papier et numérique où les citoyens peuvent apporter leur soutien. En cas de rejet, le tribunal d’instance produit une décision publique motivée.

89.5 La proposition de révision d’initiative citoyenne doit recueillir 700 000 signatures d’électeurs dans un délai de 18 mois à compter de sa publication officielle.

89.6 Les signatures de soutien à une proposition de révision d’initiative citoyenne, en format papier ou numérique, doivent être accompagnées des nom d’usage, prénom, date de naissance et adresse du signataire. La validité des signatures est contrôlée par la Cour de cassation dans un délai qui ne peut dépasser une durée maximale de 4 mois.

89.7 Une fois validée ou le délai expiré, le président soumet la proposition de révision au référendum dans un délai compris entre 3 mois et 1 an. Aucun référendum ne peut être tenu pendant les 90 jours qui suivent la tenue d’un référendum.

89.8 Les référendums sont précédés d’une campagne garantissant la diffusion de débats contradictoires et de toutes les informations nécessaires à un choix éclairé. 

89.9 La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

89.10 Les autres modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique.

Exposé des motifs

La crise de confiance à laquelle sont aujourd’hui confrontés le système politique français et ses représentantes et représentants est un problème majeur. Quand la production de loi devient suspecte aux yeux des citoyennes et des citoyens, elle devient inefficace car les citoyens ne se conforment pas aux lois et les contournent lorsqu’ils le peuvent. Quand le législateur n’a plus la confiance des citoyens – comme c’est aujourd’hui le cas en France d’une façon encore plus marquée que chez nos voisins –, les tentations de recourir à la violence politique sont importantes, avec tous les risques que ces dernières engendrent. De manière plus pacifique, les manifestations, grèves et autres blocages sont des conséquences directes de ce mécontentement. Ils produisent une perturbation des activités de production de biens et services, une forte abstention électorale, et une instabilité du système politique. Rétablir la confiance à l’égard de nos institutions est devenu non seulement une mesure prioritaire d’un point de vue politique, mais également d’un point de vue économique. Car avoir confiance en notre système politique et juridique est la condition nécessaire pour s’investir activement dans la vie économique.

Après près de trois ans de contestations répétées, il faut savoir écouter les messages qui nous sont transmis par les citoyens. En particulier leur message principal qui demande plus d’outils démocratiques concernant les principes qui régissent les fondements de notre vivre-ensemble.

L’issue du référendum de 2005 a produit un choc durable auprès de nos concitoyens. D’une part, parce que le résultat du vote n’a pas été réellement pris en compte. D’autre part, parce que depuis celui-ci, les citoyens n’ont plus jamais eu la possibilité de s’exprimer en dehors des élections. Cela fait quinze ans que nous n’avons pas voté par référendum, ce qui constitue largement un record dans la Ve République, qui accorde une si grande importance à l’institution référendaire.

À cet égard, la France apparaît comme particulièrement en retard sur ses voisins – irlandais ou danois par exemple –, qui se rendent bien plus fréquemment aux urnes pour décider d’enjeux majeurs.

Pourtant notre Constitution énonce clairement que toute révision constitutionnelle « est définitive après avoir été approuvée par référendum ». Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le référendum, qui est la voie principale pour ratifier des révisions constitutionnelles, peut être évité en utilisant une procédure introduite par un « toutefois » notant l’exceptionnalité du dispositif : « Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. »

Or cette disposition a été utilisée plus que de raison. Sur les 22 révisions constitutionnelles ayant utilisé cet article, 21 ont utilisé cette procédure. Il faut l’admettre : l’esprit de la Constitution de 1958 a été détourné, et les contestations des citoyens sont un rappel à l’ordre en la matière.

Si donc nous devons revenir à l’esprit de notre Constitution, il faut aussi se saisir de cette occasion pour moderniser les institutions et l’exercice du pouvoir politique en France. Le droit d’initiative citoyenne étant revendiqué de façon visible et répétée ces dernières années, nous devons faire confiance aux expériences positives que les pays étrangers – comme la Suisse ou plusieurs États américains – ont déjà confirmées.

Ces conditions vont permettre à nos concitoyens de ressentir qu’ils exercent un contrôle plus fort sur leur système politique, et par là même de restaurer le pacte de confiance entre les Françaises et Français, d’une part, et leurs représentants. La loi et le système politique sont perçus différemment selon qu’on dispose ou non du droit de les changer. Nous parlons bien ici de l’obtention de nouveaux droits politiques pour les Françaises et les Français. Adopter cette révision signifierait que vous, élus de la République, entendez véritablement représenter nos concitoyennes et concitoyens, et non les soumettre. Si vous prétendez entendre et agir au nom de vos concitoyens, alors il ne faut pas craindre leur désaveu. Mieux, il faut se montrer ouvert aux propositions, souvent constructives et innovantes, de la société civile française.

La question de la ratification :
pourquoi il faut rendre obligatoire le référendum pour tout changement constitutionnel

Nous souhaitons que le référendum soit remis au cœur de nos institutions en abrogeant la possibilité (déjà conçue comme dérogatoire) de ratifier les changements constitutionnels par voie parlementaire.

Pour justifier cela, il est utile de voir ce qui se passe ailleurs. Trois pays en Europe de l’Ouest (dont deux membres de l’Union européenne) sont constitutionnellement contraints de soumettre à référendum toutes décisions importantes, telles que des changements constitutionnels ou des délégations de pouvoirs à des organisations supranationales. Il s’agit de l’Irlande, du Danemark et de la Suisse.

Attardons-nous sur le cas de la ratification des traités européens. Ces trois pays ont fait trois choix différents lors des référendums sur l’Union européenne. Les Suisses ont refusé d’y entrer. Ils étaient presque 77 % à dire « non » en 2001 à une éventuelle candidature. Ils ont néanmoins dit « oui » à Schengen et à d’autres accords avec l’Union européenne.

Les Danois sont entrés dans l’Union européenne, mais ont refusé plusieurs aspects de l’intégration, dont l’euro. Après avoir dit « oui » aux premières étapes de l’Union européenne, ils ont refusé le traité de Maastricht à une très courte majorité. L’Union européenne leur a alors offert quatre options de retrait – qui leur permettent d’en être plus indépendants que les autres membres –, suite à quoi les Danois ont voté « oui » au traité. Ils approuvent quelques années plus tard le traité d’Amsterdam en 1998, mais rejettent l’euro en 2000.

Enfin, les Irlandais ont souvent soutenu le processus d’intégration européen : en 1972, 1986, 1992, 1998, 2002. En 2008, pour le traité de Lisbonne, l’Irlande est le seul pays à organiser un référendum, puisqu’elle y est obligée. 53 % des Irlandais ont rejeté le traité. La décision étant contraignante, l’Irlande se voit alors offrir une plus grande indépendance vis-à-vis de l’Union européenne, et l’offre plaît aux Irlandais qui votent finalement à 67 % en faveur du traité en 2009.

Ces trois pays, obligés par leurs propres Constitutions à accepter les décisions de leurs électeurs, ont aujourd’hui trois points en commun. D’abord, ils font partie du très petit nombre de pays qui bénéficient d’une plus ou moins grande indépendance vis-à-vis de l’Union européenne tout en s’intégrant à différents degrés aux politiques communautaires. En outre, ces pays se portent plutôt bien économiquement, bien mieux que la moyenne des pays européens.

Enfin, ils ont une confiance dans leurs élus nationaux assez exceptionnelle. En 2014, un Suisse sur deux se déclare en confiance – ce qui fait de ce pays le plus confiant d’Europe –, suivi de près par les Danois (45 %). En Irlande, « seulement » une personne sur trois a confiance en ses représentants politiques, soit presque trois fois plus qu’en France. Notons, au passage, que les Irlandais sont ceux qui ont la meilleure opinion à l’égard de l’Union européenne (63 % en ont une image positive), contre une moyenne de 44 % dans la zone euro et seulement 36 % pour la France selon l’Eurobaromètre de 2019. Les Danois sont également bien au-dessus de la moyenne (54 %).

Ces observations ne sont que des exemples de ce que de nombreuses études scientifiques ont déjà montré : donner aux électeurs la possibilité de prendre des décisions contraignantes et complexes ne réduit pas la performance politique et économique des pays. Sur bien des aspects, c’est plutôt le contraire qui se produit, notamment en matière de limitation des déficits publics et de production de politiques plus consensuelles et acceptées par la population. La crainte du vote des citoyens – qui est à la base du refus de l’utilisation du référendum – se base sur une perception des risques largement surestimée et, pour une très large part, infondée.

La question de l’initiative :
pourquoi il faut introduire une initiative citoyenne

Le droit d’initiative citoyenne est sans doute la revendication phare depuis 2019. Ce droit existe déjà dans une cinquantaine d’États ainsi que dans l’Union européenne. Dans de nombreux pays (comme les Pays-Bas), ce dispositif est perçu de façon favorable par les élus et les cours. Il permet parfois des changements constitutionnels, comme en Suisse et dans certains États américains dont la Californie, mais aussi dans une douzaine d’autres États dans le monde. Ce droit offre la possibilité à une fraction importante de citoyens de réclamer un changement de la Constitution. Nous proposons de pouvoir lancer une telle initiative une fois le soutien de 700 000 citoyens recueilli. Compte tenu du fait qu’aujourd’hui chaque député représente environ 80 000 inscrits, ce seuil serait équivalent à une proposition de révision constitutionnelle issue d’environ 9 députés. En termes de représentativité, la taille de pétition demandée est donc suffisante pour déclencher un processus législatif.

Il faut remarquer que le droit à l’initiative citoyenne en matière constitutionnelle a donné lieu à de nombreuses craintes dans le Parlement, qui sont largement injustifiées d’après les études nombreuses et anciennes sur le sujet. Aux craintes et fantasmes, il convient d’opposer des faits. Cela ne conduit pas à une inefficience économique : la Suisse est le pays le plus efficient d’Europe et la Californie a dépassé le PIB de la France en 2016 alors qu’elle abrite un nombre inférieur d’habitants. Cela ne conduit pas à la remise en cause de droits acquis. Par exemple, aucun électorat dans les pays de l’Union européenne aux XXe et XXIe siècles ne s’est prononcé en faveur de la peine de mort lors d’un référendum. Le dernier référendum où les électeurs s’y sont déclarés favorables remonte à 1879, en Suisse. Au contraire, parmi ces pays, la France a été particulièrement en retard et l’un des plus meurtriers en Europe. Les citoyens tiennent à leurs droits, si bien que les pays qui disposent du droit à l’initiative citoyenne sont souvent ceux qui protègent le mieux les droits individuels dans les régions où ils se trouvent, selon le Human Freedom Index : l’Uruguay en Amérique latine, l’Oregon en Amérique du Nord, la Suisse en Europe, ainsi que de nombreuses îles de l’Océanie, sont très démocratiques et respectueuses des droits humains.

Dans tous ces pays, la plupart des révisions constitutionnelles ont été portées par les représentants, mais parfois les initiatives citoyennes parviennent à introduire des changements bienvenus. D’autres fois, si les décisions peuvent être critiquables, elles permettent, a minima, de réduire les tensions politiques et de préserver la cohésion sociale.

⬇️ Partagez l'article !
Retour en haut