Proposition de révision législative pour instaurer la démocratie directe dans les communes
Certains partis politiques évoquent l’idée de décentraliser la France, de redonner plus de pouvoir aux communes. Ce sont de belles promesses, mais comment garantir cela ? C’est pourquoi nous indiquons ici à la lettre près comment nous comptons modifier le Code général des collectivités territoriales pour permettre aux français de pratiquer la démocratie directe à tous les échelons, y compris dans leur commune, à qui aujourd’hui en France, on a ôté tous les pouvoirs décisionnels.
Présentation des modifications globales nécessaires
La France est organisée selon un principe de décentralisation (article 1 de notre constitution), selon lequel les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon (article 72 de notre constitution). Malgré ces principes constitutionnels, le principe de subsidiarité reste à l’heure actuelle un objectif général, n’ayant pas d’effet concret sur l’organisation territoriale de notre pays, de l’aveu même du Conseil constitutionnel.
Ce décalage est lié à la façon dont la loi encadre les principes constitutionnels. En effet, si les articles 72, 72-1 et 72-2 de notre Constitution accordent une grande liberté aux collectivités territoriales, ils ne font pas moins de 14 fois référence à la nécessité de se référer aux conditions prévues par la loi, soit plus de 20 % des références à la loi dans la Constitution dans son ensemble.
En particulier, l’article 72-2 est fondamental, car il crée les conditions d’une fiscalité locale qui est elle-même la condition matérielle pour permettre aux collectivités de s’administrer librement. Bien que les collectivités puissent théoriquement disposer de leurs ressources « librement » et lever l’impôt (aussi bien en fixant le taux que l’assiette), ces possibilités sont aujourd’hui fortement limitées par la loi.
En plus de l’article 72, l’importance de la loi est explicitée dans l’article 34 de la Constitution qui prévoit que « la loi détermine les principes fondamentaux (…) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ».
Cela signifie que c’est le Parlement qui, à travers la loi, détermine à quel échelon chaque compétence peut « le mieux être mise en œuvre ».
Bien qu’ouverte à la décentralisation, la Constitution laisse une ample marge à la loi pour déterminer le niveau d’autonomie fiscale et réglementaire des collectivités territoriales. Ce rôle central de la loi correspond à une interprétation descendante du principe de subsidiarité dans la mesure où c’est le Parlement qui encadre les compétences des collectivités. En cela, notre Constitution n’est pas fédérale, mais résolument unitaire. Mais en dépit de cette philosophie générale, elle reste compatible avec un niveau extrêmement fort de décentralisation.
L’article du Code général des collectivités territoriales à modifier
L’article qui nous concerne est le L.1111-8-1 introduit par la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 — art. 1. Il porte sur les conditions qui régissent la délégation de compétences entre l’État et les collectivités territoriales.
La principale révision consiste à transformer le caractère facultatif de l’attribution de compétences par l’État en caractère obligatoire. Ainsi, l’État doit (et non peut) déléguer une compétence à une collectivité qui lui en fait la demande. Cette modification est essentielle, car, dès lors, c’est la collectivité territoriale qui a la possibilité de choisir quelles compétences elle va exercer.
Deuxièmement, nous souhaitons que les collectivités puissent être habilitées à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement lorsqu’elles obtiennent une délégation des compétences. Sans cette deuxième condition, cette délégation de compétence se bornerait à une gestion administrative et ne permettrait pas aux collectivités d’innover et d’expérimenter comme la Constitution les encourage à le faire.
Cependant, il faut déterminer des limites aux compétences qu’une collectivité territoriale peut revendiquer. Nous estimons que la
Constitution protège déjà parfaitement les compétences régaliennes. Les limites par lesquelles ces sujets peuvent ou non être délégués aux collectivités territoriales doivent être déterminées par le Conseil constitutionnel, qui en en appréciant la conformité avec la Constitution, arbitrera ce processus.
De plus, puisque la Constitution requiert que « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice », les limites constitutionnelles imposent aux collectivités territoriales de fournir dans leurs demandes de transfert de compétences une réorganisation de la fiscalité pouvant toucher à une part du budget de l’État ou à une capacité à fixer elles-mêmes le taux et
l’assiette de certains impôts comme la Constitution les y autorise.
Il faut noter que cette modification (voir ci-contre) de l’article L.1111-8-1 doit conduire également à une réécriture partielle des articles qui s’y réfèrent. Ainsi, le changement de procédure nécessite le remaniement partiel du décret R.1111-1-1, en ce qui concerne sa partie I2.
Au cas où la revendication d’une collectivité particulière entre en conflit avec la revendication d’une autre, par exemple, si une région et une commune revendiquent la gestion des transports, un principe de subsidiarité est mentionné au troisième alinéa qui précise que l’échelon le plus petit aurait toujours la priorité.
Proposition de modification de l’article L.1111-8-1
Voici précisément à quoi ressemblera cet article du Code général des collectivités territoriales pour garantir que les citoyens Français puissent pratiquer la démocratie directe dans leurs communes, et redonner du pouvoir à cet échelon. Ce texte a été validé par des juristes et constitutionnalistes.
« Sauf lorsque sont en cause des intérêts nationaux, l’État
peutdoit déléguer par convention à une collectivité territoriale ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui en fait la demande l’exercice de certaines de ses compétences.
Les compétences déléguées en application du présent article sont exercées au nom et pour le compte de l’État. Ellesnepeuvent habiliter les collectivités territoriales et les établissements publics concernés à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement.
Aucune compétence déléguée ne peutrelever de la nationalité, des droits civiques, des garanties des libertés publiques, de l’état et de la capacité des personnes, de l’organisation de la justice, du droit pénal, de la procédure pénale, de la politique étrangère, de la défense, de la sécurité et de l’ordre publics, de la monnaie, du crédit et des changes, ainsi que du droit électoral, ouintervenir lorsqu’elle affecte des dispositions constitutionnellement garanties.Les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, ou porter sur l’exercice de missions de contrôle confiées à l’État sans faculté expresse de délégation par les engagements internationaux de la France, les lois et les règlements.
En cas de conflit de compétences, l’échelon territorial le plus petit est privilégié.
La collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui souhaite exercer une compétence déléguée par l’État soumet sa demande pour avis à la conférence territoriale de l’action publique.
La demande et l’avis de la conférence territoriale sont transmis aux ministres concernés par le représentant de l’État dans la région.LorsqueLa demande de délégationest acceptéeinclut un projet de conventionestcommuniquéà la collectivité territoriale ou à l’établissement public demandeur dans un délai d’un an à compter de la transmission de sa demandeau Conseil Constitutionnel et au Conseil d’État.
La délégation estdécidéeratifiée par décret. La convention prévue au premier alinéa en fixe la durée, définit les objectifs à atteindre, précise les moyens mis en œuvre ainsi que les modalités de contrôle de l’État sur la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre délégataire. Les modalités de cette convention sont précisées par décret en Conseil d’État dans un délai d’un an à compter de la transmission de sa demande. »
Conséquences concrètes
Notre proposition est profondément différente des autres réformes qui ont été menées dans le passé. Elle ne répartit pas les compétences entre les collectivités, elle n’oblige pas certains échelons de collectivités à exercer des compétences, mais elle laisse à chacune d’entre elles la possibilité de choisir ses compétences.
Ceci signifie que les collectivités qui voudraient garder la répartition des compétences telle qu’elle existe aujourd’hui pourraient faire ce choix. En revanche, les collectivités qui voudraient se doter de nouvelles compétences, ou s’associer avec d’autres pour les exercer, pourraient le faire.
Quelles compétences pourraient ainsi être transférées à différents échelons des collectivités territoriales ? Certainement toutes les compétences qui ne sont pas inscrites dans la Constitution, comme par exemple le développement durable, les transports, la sécurité.
En outre, dans la mesure où les collectivités territoriales seraient alors habilitées à déroger à des règles relevant du domaine de la loi, on peut présumer (sous réserve des décisions du Conseil constitutionnel) que les collectivités pourront aller au-delà et revendiquer, à titre d’exemple, la gestion de l’enseignement, de la préservation de l’environnement, du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale (dont la loi détermine les principes fondamentaux).